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Le blog présente la presse et l’actualité de NOLWENN FALIGOT ainsi qu’une série exclusive d’articles avec un point de vue singulier sur la mode, l’art et la culture ; en Bretagne, dans les Pays Celtes et au-delà.

Saint-Pol-Roux le Magnifique accueille la nouvelle collection Nolwenn Faligot en son manoir

C’est auprès des ruines de l’ancien manoir de Saint-Pol-Roux, à Camaret-sur-Mer, que j’ai choisi de demander à la photographe Charlaine Croguennec de capturer l’essence de la nouvelle collection.

La nouvelle collection "Chapitre Premier" photographiée devant le manoir de Saint-Pol-Roux ©Charlaine Croguennec

Ce choix ne doit rien au hasard. Le lieu est somptueux et le mariage des landes, des grèves et de la mer a ravi ce poète. Cet originaire du Sud est envoûté par ce pays et il consacre un Hymne à la Bretagne dès 1914. J’en cite un extrait, tant cette vision accompagne aussi mes créations :


“Bretagne de la mer, des monts et des campagnes ;

Bretagne du blé noir, du lait, de la pêche, du lin ;

Bretagne de légende où le lavoir parle au calvaire et le puits au moulin ;

Bretagne de rêve, de geste et de pierre”



Dessin du manoir Saint-Pol-Roux 1935 © Faligot

Cette perspective panoramique se ressent formidablement devant le manoir de rêve qu’il a fait bâtir, le haut de hurle-vent, dominant la mer, non loin des «lourds menhirs» de Lagatjar («Les yeux de la poule»). Puis, il l’a baptisé «Cœcilian», du nom de son fils tombé à la Grande guerre, devant Verdun le 4 mars 1915.





Ses amis savent combien il a été éprouvé par cette mort brutale. L’écrivain brestois Victor Segalen, de retour de Chine, écrit à Saint-Pol-Roux, en novembre 1918, au lendemain de l’armistice : « Je pense incessamment à ton brave Cœcilian. Dans la mesure où une pensée attentive et fraternelle assure une part de survie, je la lui offre de tout cœur, – et à toi, qui la donnas lui-même, toute mon admiration et ma ferveur. »


Saint-Pol-Roux et sa fille Divine ©Archives Municipales de Brest

Saint-Pol-Roux, surnommé « le magnifique », poète symboliste n’est donc pas breton d’origine, mais par choix, puisque né à Marseille en 1861. Qu’importe ! Une grande partie de son œuvre, romans et poèmes rend compte de sa passion inaltérable pour cette presqu’île armoricaine et son affection à l’égard des gens de Brest et de Camaret. C’est pourquoi en regard de la présentation des vêtements et accessoires de la collection, je livre trois extraits de son texte le plus célèbre : Bretagne est univers.

Les voici qui n’ont rien perdu de leur souffle, même si certains mots ne s’emploieraient plus de nos jours comme à l’époque (notamment pour ce qui concerne le terme désuet de « race celtique » ou « bretonne ») :





“Ses tribus débordant enfin de sa nature,

Elle trouva chétive la place du nid.

Alors elle s’en fut, au gré de l’aventure,

Inventer des foyers à travers l’infini.”


Puis :


“Cette race est en toi, millénaire Celtie

d’azur et de sinople, Arcoat sur Arvor,

Qui laissas dans la glèbe ou la coque engloutie

Le meilleur de ton être passementé d’or.”


Et enfin :


“Cette race divine est la race bretonne

Aux fils toujours pareils parmi l’homme divers :

Ta race impérissable dont le Temps s’étonne,

Ô Bretagne éternelle comme l’Univers !”



Saint-Pol-Roux et sa fille Divine devant le manoir ©Collection Alistair Whyte

Son symbolisme s’est métissé de surréalisme. Saint-Pol-Roux veut faire partager la beauté de ce lieu magique mais aussi surréaliste (au sens second) puisque s’y retrouvent des artistes qui ne devraient pas nécessairement s’entendre entre eux. En visite au-dessus des flots tourmentés dans les années 1920 et 1930, d’autres poètes tels André Breton, l’auteur du Manifeste surréaliste, Max Jacob alias Morven le Gaélique de Quimper, le communiste Louis Aragon, - ancien anarchiste comme Saint-Pol-Roux -, le Morlaisien Tristan Corbière ou le Brestois Roparz Hemon, grammairien de la renaissance de la langue bretonne, sans oublier l’écrivain-voyageur Victor Segalen ou le sous-préfet Jean Moulin, futur chef de la Résistance.



Or, cette guerre éclate. Le manoir est le site d’un drame affreux en août 1940 trois jours après que les Allemands se sont installés à Brest. L’un d’eux s’est présenté pour vérifier qu’on n’y cachait pas de soldats anglais. En état d’ébriété, il menace d’armes à feu les habitants, Saint-Pol-Roux, sa fille Divine, leur bonne Rose. La suite dantesque, le Malouin Théophile Briant, leur ami et biographe du Magnifique, la décrit ainsi : « Ce que l’homme voulait, le lecteur l’a deviné... Soudainement, il saisit l’un des revolvers et enjoignit brutalement aux habitants du manoir de descendre à la cave. Il poussa Divine dans l’escalier du canon de son arme, et sitôt dans la cave se jeta sur elle... Son père ayant voulu la protéger, l’Allemand déchargea son revolver, et au cours d’une affreuse mêlée, qu’éclairait à peine la lampe posée sur les dalles, Divine fut grièvement blessée à la jambe, et Rose, qui s’était jetée devant le corps de sa maîtresse, tuée sur le coup d’une balle en pleine bouche... Quant à Saint-Pol, qui avait essuyé deux coups de feu, il roula inanimé “contre les pierres du soubassement”. » (Théophile Briand, Saint-Pol-Roux, Ed. Seghers, 1971).


Le manoir de Saint-Pol-Roux hier et aujourd'hui - éditions d’Art JOS. le Doaré (Carte postale archives Faligot)

Le soudard transporte Divine dans le salon pour abuser d’elle, mais le chien-loup de celle-ci qui dormait à l’étage, alerté par les cris, descend et fait déguerpir le soldat allemand. Tel un somnambule, Saint-Pol-Roux se relève, ne voit pas sa fille et descend à Camaret chercher du secours. C’est ainsi qu’ils se retrouveront à Brest. Divine trois mois à l’Hospice civil dans le plâtre, son père lui rendant visite deux fois par jour (Le soldat de la Wehrmacht sera fusillé).

En octobre, lorsque Saint-Pol-Roux rentre au manoir, la malédiction du Haut des hurle-vents a encore frappé. Des inconnus ont pillé les lieux, ayant détruit ou fait disparaître des manuscrits, des objets de collection. Parmi eux, on se demande encore ce que sont devenus les bois sculptés de Gauguin que Segalen avait rapportés de Tahiti ? Dans la gêne, à l’époque, le Magnifique les avait vendus trois francs six sous. Segalen s’en apercevant les avait rachetés pour les offrir une deuxième fois à son cher ami Saint-Pol-Roux...

À la vue de ce désastre, frappé au cœur, le poète s’effondre. Le voici transporté le 13 octobre dans le même hôpital où Divine est convalescente. Le 18, il meurt d’une crise d’urémie dans les bras de sa fille. Le 21, tout Camaret suit le corbillard que traîne tristement un cheval sorti d’un poème de Paul Fort et rend hommage à « Monsieur Saint-Pol ».


Saint-Pol-Roux (1861-1940) ©Collection Alistair Whyte

L’ami Aragon publie le premier article sur le Magnifique dans la Revue Poésie 41, tolérée par la censure allemande, et fait de lui le premier poète de la Résistance tué par l’ennemi (On ne sait pas encore que son ami Max Jacob mourra en déportation). Un an plus tard, s’inspirant sans doute de la triste histoire du manoir de Coecilian, l’écrivain résistant Vercors publie son roman clandestin (aux Editions de Minuit) Le silence de la mer. Un best-seller de l’armée des ombres.

Or, il est dédié à Saint-Pol-Roux.





En 1944, le manoir est malheureusement bombardé par l’US Air Force et sera donné à la ville par la fille du poète dans l’espoir qu’il soit restauré et devienne un musée.

Après 1945, Divine et un petit cercle de proches, dont son éditeur, continueront à cultiver la mémoire du Magnifique et surtout à faire connaître son œuvre si riche. Parmi eux, un ami qui m’est cher, longtemps résidant dans la presqu’île de Crozon, l’Ecossais Alistair Whyte, à qui je dois de pouvoir publier certaines photos longtemps restées inédites et que je remercie affectueusement.


Je vous invite à redécouvrir des textes du Magnifique sur le site des amis de Saint-Pol-Roux : https://saspr.hypotheses.org/

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