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Le blog présente la presse et l’actualité de NOLWENN FALIGOT ainsi qu’une série exclusive d’articles avec un point de vue singulier sur la mode, l’art et la culture ; en Bretagne, dans les Pays Celtes et au-delà.

ABÉCÉDAIRE DE LA MODE BRETONNE

Dans ce petit Abécédaire de la mode bretonne, j’ai recueilli des mots et expressions, – d’emploi fréquent ou rare –, dans les trois langues d’usage de la presqu’île armoricaine : le breton, le gallo et le français. Lesquelles se sont influencées mutuellement dans le parler des stylistes, des brodeurs et brodeuses, des couturiers, des modistes des champs et des villes. Cet abécédaire, loin d’être exhaustif, sera évolutif. Que ses lectrices et ses lecteurs n’hésitent pas à nous envoyer des suggestions pour l’enrichir.


A


Anne de Bretagne
Anne de Bretagne, estampe ©Archives départementales du Morbihan

On pourrait écrire un livre sur la garde-robe de la femme la plus célèbre de Bretagne, souveraine du duché indépendant avant de devenir deux fois reine de France [1477-1514]. Une importante bibliographie et iconographie nous donne une idée de la façon dont elle se vêtait. Mais surtout les inventaires de sa maison nous indiquent combien elle était raffinée dans sa toilette, l’usage de ses parfums, et le choix de ses atours. Un petit aperçu offert par Geneviève-Morgan Tanguy dans son Anne de Bretagne, jardins secrets. On usait de toile de Hollande pour concevoir ses capes et tourets de front (coiffe avec un voile couvrant le front), ses chemises et ses brassières (soutiens-gorge).

Ses habillements d’apparat comprenaient une jupe, un corsage et une cape bretonne – en sept exemplaires – en velours violet, satin cramoisi, damas tanné ou noir, satin tanné doré et un de drap d’or raz vert. La fourrure occupe dans le costume une place importante garnissant non seulement le corsage mais aussi la jupe. Les hermines étaient employées à toutes ses fourrures : soixante-dix peaux d’hermine étaient semées sur une de ses robes ; sept cent garnissaient un habillement complet de velours cramoisi ; huit-cent-vingt en garnissaient une autre, y comprenant le manteau.

Mais est-ce si surprenant puisque l’hermine était le symbole de son duché de Bretagne ?

À travers les siècles, le nom de la duchesse Anne a été associé à d’autres aspects de de l’habillement : ce fut, par exemple, l’enseigne d’un magasin de mode dans les années 1950 dans Brest en reconstruction.


B


Bâche

(gallo) Blouse de fil en usage dans les campagnes.


Bachi

(de bâche) Argot du 19eme siècle de Brest signifiant casquette, venant du celte bascauda selon Francis Favereau dans son livre Celticismes, les Gaulois et nous.


Basin

Étoffe à chaîne de fil (lin ou chanvre) et trame de coton - d’abord appelé bombasin, de l’italien bambagino "coton" . Toile unie et croisée, à côtes, rase ou à poils.


Batiste

Toile de lin très fine et très blanche souvent utilisée pour la confection des coiffes anciennes.


Bauzer

"Piécette" ou bavette de tablier, notamment dans la région de Pontivy.


Béguin

Type de coiffe nouée au menton appelée en breton Kabellek.

C’est parce qu’on porte la coiffe serrée qu’on est entêté, et qu’on jette son dévolu sur une personne. Et ainsi on doit à Jean-Jacques Rousseau l’expression "avoir le béguin pour quelqu’un".

À ne pas confondre avec le mot breton begin qui signifie "habit de deuil"…


Bered

Béret de marin.


Berlinge - Berlingue

Étoffe à chaîne de fil (lin ou chanvre) et trame de laine, qui se fabrique en Bretagne (Irvillac, Guingamp, Josselin, etc.). En fonction des lieux et de ses spécificités la berlinge porte différents noms : droguet, futaine ou garrot, ou bien encore les très résistantes ferlik (tissée à la ferme) et le pilpous de Plougastel. Retrouvez des exemples de berlinge dans l’article de ce blog sur le lin.


Goémonieères de l'Île de Sein, la vieille dame et une des jeunes filles portent des berrvanchoù de couleur opposée par-dessus leur corselet coll.Villard ©Musée de Bretagne


Berrvanchoù - Berr Manchoù

Mot-à-mot "manches courtes", paire de manches amovibles portées par les femmes, souvent pour le travail, pour protéger leur camisole, réchauffer leurs poignets, etc. En effet, ces manchons en coton, en lin ou en laine peuvent se porter par-dessus ou dessous le vêtement. À Plougastel, les berrvañchoù, en laine crochetée, peuvent se porter sous l’hivizenn.

Les berrvañchoù, en tulle brodé ou en dentelle blanche sont quant à elles des accessoires d’apparat.

Mancheo fausses manches de dentelle en Pays vannetais.









Biœvi

(Gallo) teindre en bleu.


Bigouden

Coiffe de coton ou de lin portée par les femmes de Pont-Labbé et sa région (pays Bigouden).

Selon une légende, les Bigoudènes auraient élevé leur coiffe pour protester contre le fait que les forces armées de Louis XIV, au cours de l’insurrection des Bonnets rouges en 1675 (voir plus bas), avaient fait tomber les clochers des églises de communes révoltées.

En réalité, la coiffe bigoudène semble être apparue à la fin du 18e siècle (la première représentation de la coiffe bigoudène est apparue dans Voyage dans le Finistère de Jacques Cambry en 1798) et elle a vraiment pris de la hauteur un siècle plus tard et ce jusque dans les années 1980.

Deux jeunes bigoudènes de Pont-L'Abbé au Guilvinec, vers 1900, photo de Paul Géniaux, ©Musée de Bretagne

Bonnet

Boned, petite coiffe de toile portée sous la grande coiffe d’où boned blev, bonnet de cheveux.

Le bonnet est aussi porté par toutes les filles et tous les garçons à travers la Bretagne. Les garçons endossent le costume d’homme vers l’âge de 6-7 ans (parfois même 4 ans selon les endroits), quant aux filles, elles gardent le bonnet jusqu’à leur première communion (vers 12 ans) ou plus tardivement selon les endroits.


Bonnets rouges - Bonedoù Ruz
Homme de Plougastel portant son bonnet Chigovi (bonnet rouge) et son kabig gwenn (voir kab an oad) photo ©Bernard Galéron dans le livre "Costumes de Bretagne" de Marie-Paule Piriou (ed. Le Télégramme).

La révolte des Bonnets rouges contre le papier timbré sous Louis XIV, a son origine vestimentaire dans le Poher, et particulièrement à Carhaix où cette coiffure fait partie du costume masculin local. Le bonnet rouge - aussi appelé Chigovi - est porté par les hommes de Plougastel avec leur costume en lin blanc.

Par contraste les bonnets rouges du pays bigouden portaient un bonnet…bleu !

Ce qui transparait dans les courriers de la Marquise de Sévigné : "On dit qu’il y a cinq ou six cents bonnets bleus en Basse-Bretagne, qui auraient bon besoin d’être pendus pour leur apprendre à vivre ". (Lettre de Paris envoyée par la marquise de Sévigné à sa fille Madame de Grignan, le 3 juillet 1675).



Boten bragoù

Double bouton du Bragoù braz, souvent en buis ou en métal décoré, servant à maintenir le pantalon à la ceinture.


Botoù Koad

Le sabot en bois, botez koad (ou botez koëd en Vannetais et bouëton ou sabiaou en gallo) étaient la chaussure par excellence, robuste, économique et protégeant du froid et de l’humidité.

Différents sabots étaient aux pieds en fonction des régions, des métiers et bien sûr des événements. On portait, par exemple, les Botoler, souliers en cuir orné d’une boucle métallique pour les cérémonies ou les Botoù plouz (chaussures de paille souvent doublé en peau de lapin) dans l’intimité familiale.

Les Botoù kinoù sont les tiges de cuir ou de toile huilée ajoutées sur les sabots des marins pour garder les pieds au sec.



Derniers bragoù braz de Plonévez-Porzay, l'homme de gauche porte un bragoù ridet et un gouriz en tissu, les deux portent des gamchoù aux bas des jambes ©Musée de Bretagne

Bragoù

Bragues, Braguez, culotte (en 1633). Brigis en gaélique.

Très vieux mot celtique qui survit dans les mots "braie" et "braguette" en français ou brayette en gallo de Vitré.

Bragoù Braz : pantalons bouffants en laine et/ou en chanvre, ainsi décrits par René-Yves Creston : "grande culotte bouffante s’arrêtant au genou, portée avec des guêtres de laine."

Le linguiste Mikael Madeg signale le surnom donné à des hommes du Léon "Bragez dirouvenn" (pantalon sans pli) qui souligne "l’élégance vestimentaire qui nous vient de la ville de St-Pol" (voir son ouvrage Le livre des surnoms du Léon).

D’autres variantes existent comme le Bragoù berr, l’équivalent des braies de Haute-Bretagne, des culottes qui s’arrêtent également sous le genou mais sont bien plus étroites. À l’inverse, on peut également citer le Bragoù ridet, entièrement plissé (plus volumineux).


Broz

Jupe - Bros en gallois.

Jupe (le plus souvent noire) de satinette plus ou moins couverte de velours de même couleur avec parfois des broderies sur la partie supérieure ou inférieure. Broz désigne aussi une jupe de drap de laine ornée dans le bas de bandes de broderies ou de galons appliqués.

Brozioù berr : Jupes courtes


C


Câline

Coiffe plissée de travail, de la région nantaise et notamment de Piriac-sur-Mer, en presqu’île de Guérande, au début du XXe siècle.


Camys

Selon le glossaire cornouaillais-insulaire d’Aurélien de Courson (1843), le mot armoricain Camys, apparenté au cornouaillais cams signifie "aube" et aurait donné le mot camisole. Et pourquoi pas "chemise" ? Ou une "ch’minze" comme on dit en gallo ?


Caneçon

Culotte de lin du paludier de Guérande. À rapprocher de Keun’sson, – caleçon – du gallo du pays de Fougères-Vitré.


Chal

Le Châle "tapis" est le châle fabriqué dans la région lyonnaise et commun à toute la Bretagne médiane. Le châle est porté dans de nombreux costumes de Haute-Bretagne et dans le Léon. Le chal fringou a de longues franges, tandis que le chal torbot de l’île de Sein est de laine noire.


Chikolodenn

Nom de la coiffe des femmes de la région de Saint-Pol-de-Léon, à l’architecture très simple, et par extension nom souvent donné aux Bretonnes de cette région léonarde. Du terme chinkgolodenn, littéralement "couverture du menton" du fait des anciennes barbes qui venaient se nouer sous le menton.


Chrémeau

Petit bonnet dont on coiffe les enfants, après les onctions du baptême. En breton : Kabel vadez (H. du Rusquec, 1886), en gallo: krémé.


Chupenn

Étonnement, un emprunt au mot "jupe". Veste courte pour hommes, avec ou sans manches, possédant ou non des poches.

Par contre, il n’est pas souhaitable de porter le chupenn ar prefed (du préfet), car c’est …la camisole de force ! Mais plutôt le chupenn velen (le maillot jaune) si l’on est Louison Bobet ou Bernard Hinault. Et comme disait Martial Ménard (Ouest-France, 4 octobre 2015), peñseliat e chupenn (rapiécer sa veste), c’est "tailler un costard à quelqu’un".


Ciré

Le ciré jaune de Guy Cotten, créé à Tregunc en 1964, d’abord conçu pour les gens de mer, est devenu le symbole des vacances heureuses des touristes, avec leur marinière et leur épuisette, en premier lieu en Bretagne dans ces années 1960-70.

Au point qu’on pouvait dire :"Tiens, il risque de pleuvoir… je vais mettre mon Cotten !", même si d’autres marques comme Armor lux, Saint James ou Petit Bateau, etc., n’ont pas dédaigné concevoir et réaliser à leur tour ce genre d’imperméable indémodable.



Une diversité de coiffes bretonnes, dessin de Prosper Saint-Germain, paru dans les Français peints par eux-même en 1841 © Musée breton, Quimper

Coiffe

Koef en breton. Couëffe en gallo.

Il existe des dizaines de coiffes, originaires de tous les territoires de Bretagne, comme Saint-Pol-Roux l’écrivait si bien, la Bretagne l’Ancienne à la Coiffe Innombrable. Un même terroir peut avoir une, deux, voire trois coiffes différentes. Une coiffe pour le quotidien, une autre pour les événements et parfois une troisième coiffe pour exprimer le deuil.

Nous n’allons pas mentionné toutes les coiffes ici, mais plutôt aborder certains types de coiffes.

La Koef Bras est une grande coiffe de sortie.

La Koef-blev (coëf-bléo) est une sorte de bonnet qui se pose directement sur la tête laissant les cheveux tomber sur les épaules en passant sous le bonnet.

La Koef Du (la coiffe noire), ce peut être dans les îles une coiffe de deuil, mais Mikael Madec signale dans le centre Léon, une bonne du curé (une karabassen) qui porte ce surnom.

Curieusement, pour la coiffe de deuil, on a utilisé kouricher mot dérivé de gouriz, la ceinture, selon le Vocabulaire breton-français de Le Gonidec (St-Brieuc, 1860) et le dictionnaire français-breton de H. du Rusquec (Morlaix, 1886).

Kouifet : petite coiffe.


Créées

Toile de lin qui se fabrique à Morlaix et aux environs, parmi les plus fines toiles de lin avec celles de Plougastel, Landerneau et Daoulas avec lesquelles on confectionnait les chemises et serviettes. Le nom de Créée vient d’ailleurs du breton Krez qui signifie "chemise" (tricot de corps, maillot).


D


Deuchaffreu

En gallo, une personne peu soigneuse de ses vêtements déchirés. Ils n’ont pas juste un "accro ", petite déchirure dans la même langue gallèse.


Dilhad Mod-Kozh

Ou Dillad - "Vêtement à l’ancienne mode" : Costume traditionnel datant au plus lointain du XVIe siècle.

Illustrés par la richesse de leurs tissus et de leurs broderies : de Pont-L’Abbé et du pays bigouden, de Pont-Aven et du pays de l’Aven, de Quimper et du pays glazik ; de Châteaulin, en pays rouzik, d’Elliant en pays duik, de Pontivy du pays des moutons blancs, de Guérande, pays des paludiers, de Plougastel-Daoulas, pays des fraises et du pays pourlet du côté de Guéménée-sur-Scorff.

À noter que díllad, dans l’île d’Ouessant signifiait des "hardes" encore au début du XXe siècle, ce qui est nettement moins valorisant.


Douettée

En gallo, fil de laine ou de lin d’une longueur d’un doigt.


E


Empreinte

La célèbre marque brestoise de sous-vêtements est spécialisée pour les femmes aux formes généreuses (avec des collections complètes de soutiens-gorge de 85 à 115 avec des bonnets du C au G). Entreprise fondée en 1956 à Brest dont on peut voir l’épopée retracée dans le film Les dessous de Brest .

J’ai eu la chance, il y a bien longtemps, d’y faire un stage au cours duquel j’ai pu observer et comprendre comment concevoir et fabriquer un soutien-gorge : une belle expérience.


Étoffe

Étoffe (des choses) en Bretagne.

"En ce pays, la première chose qu’ils font (les hommes) est de délier leurs chausses ; ceux qui ne le font pas sont habillés d’une étrange façon. La mode de boutonner le justaucorps par en bas n’y était pas encore établie ; l’économie est grande sur l’étoffe des choses, de sorte que tout est dans la dernière négligence."

Lettre de la marquise de Sévigné, citée in Léon de Brière, Madame de Sévigné en Bretagne, Hachette, 1882.


F

Fale

En gallo, une fale est une sorte de poche obtenue par un pli du vêtement, comme le signale André Gorguès dans son petit glossaire de gallo, annexe à son recueil de scènes d’autrefois sur la côte de Fréhel, Brin de Bruyère, odeur du temps (Rennes, 1986).


Portrait d'une jeune fille de l'Aven. Cette giz avec sa parure sculpturale est l'une des plus complexe à préparer pour les repasseuses, une technique particulière à l'aide de pailles de fétuque est nécessaire. Roderic O'Connor, vers 1890 (DR)